Source Sweet Home Initiatives positives pour l’autonomie Article du 31 octobre 2018 : auteur Alexandre Faure.
Buurtzorg, c’est l’exemple d’une révolution manageriale utile.
C’est un service innovant imaginé par un infirmier néerlandais qui est devenu en à peine dix ans le plus gros acteur de soins à domicile desPays-Bas, passant devant les mastodontes qui tenaient le marché quelques années plus tôt. Sweet Home vous propose une visite guidée d’un système inspirant.
Buurtzorg, en Néerlandais, ça veut dire soins (zorg) de proximité (buurt, le quartier). Comme son nom l’indique, Buurtzorg est un service de soins de proximité où une petite équipe de 5 à 12 infirmières auto-pilote et auto-coordonne son activité sur un petit secteur géographique.
L’équipe est disponible en permanence et tire sa force de son autonomie et de sa connaissance fine d’une clientèle forcément restreinte. Dès que la demande dépasse les capacités d’une équipe de 12, une nouvelle entité est constituée pour répondre aux besoins du nouveau marché. Ainsi, chaque équipe répond aux besoins d’une clientèle de taille déterminée en fonction des capacités contributives de chaque infirmière ou infirmier.
Buurtzorg : La genèse
Le modèle s’est imposé aux Pays-Bas il y a une dizaine d’années en détrônant, assez rapidement, les mastodontes qui tenaient auparavant le marché. Ces derniers proposent un service standardisé, de piètre qualité, aussi frustrant pour les clients que pour les infirmières et infirmiers.
Poussant jusqu’à son paroxysme le taylorisme serviciel, les entreprises proposent des services tarifés à l’acte que vous sollicitez via des plateformes téléphoniques centralisées. Ces plateformes déterminent votre besoin à votre place et vous adressent une infirmière que vous ne choisissez pas et qui n’est payée que pour des actes prescrits et minutés (toute ressemblance avec des services d’aides à la personne hexagonaux est totalement fortuite !).
Naissance d’une idée de génie
Un jour, un infirmier Néerlandais en a marre de ce système qui ne répond aux besoins de personne. Le bonhomme s’appelle Jos de Blok. Fort de seize ans de pratique infirmière, il est navré de contribuer à un service aussi peu qualitatif. Il décide de tenter une nouvelle approche. Une approche de proximité qui redonne le pouvoir aux acteurs de terrain. Fondé en 2006, le concept démarre avec un premier service de proximité qui se duplique à chaque fois que la croissance de la clientèle le justifie. Les Buurtzorg passent de 1 à 5 en 2007 puis 100 en 2009. En 2009, la croissance prend un tour particulier, car l’entreprise de Jos de Blok, profite de l’effondrement de Maevita, la principale organisation de soins infirmiers des Pays-Bas, pour se tailler une énorme part de marché. Comme vous pouvez le constater avec la courbe de croissance de la marque :
Tout comme Jos de Blok quelques années plus tôt, les infirmières et infirmiers laissés sur le carreau par la banqueroute de Maevita ont rapidement rebondi en créant des structures locales coordonnées par Buurtzorg.
La croissance de Buurtzorg : une approche start-up
Le développement de Buurtzorg adopte le modèle itératif des start-up : apprendre en faisant, se planter vite pour réagir vite et réajuster vite !
Le premier Buurtzorg fondé fin 2006 a rapidement été suivi d’une seconde équipe, puis d’une troisième, etc… chaque équipe expérimente une nouvelle approche adaptée aux spécificités de sa patientèle. Ils peuvent ainsi constater in situ les impacts des décisions insufflées par les fondateurs et valider les circonstances dans lesquelles leurs tentatives sont couronnées de succès (et inversement). Suivant l’approche entrepreunariale qui l’avait conduite à fonder Buurtzorg en 2006, Jos de Blok laisse à ses nouvelles équipes une grande latitude entrepreunariale pour s’organiser
- Recruter de nouvelles infirmières, Choisir ses bureaux,
- Organiser le travail,
- Choisir les clients et les zones à desservir
- etc.
- Toutes les équipes sont connectées entre elles sur un intranet maison. Elles sont incitées à partager leurs expérimentations qui profitent ainsi à toute la communauté dans un esprit d’open innovation très rare dans le milieu médico-social.
Buurtzorg : un modèle plus économique
Le succès de Buurtzorg ne se limite pas à une révolution des services à la personne. Il se mesure également en termes économiques. Une étude KPMG de 2015 a révélé que le service de Jos de Blok fait économiser en moyenne 3000 euros à chaque patient en hospitalisation à domicile (ou l’équivalent Néerlandais). En outre, pour un même service à ses patients, Buurtzorg consomme 35% d’heures en moins comparé à ses concurrents Néerlandais. Enfin, malgré une présence moindre, l’indice de satisfaction de Buurtzorg (évalué par les patients) est supérieur à celui de ses concurrents.
Buurtzorg : les neuf points essentiels du modèle
- 1 Des équipes auto-administrées : plus de management intermédiaire, plus de services déconnectés de la réalité du terrain.
- 2 Autonomie de décision : ce sont les infirmières, en lien avec les médecins traitants, qui déterminent leur intervention. Quels soins prodiguer, comment prioriser les actes, combien de temps passer auprès d’un patient, combien de visites de surveillance, etc.
- 3 Pratique basée sur la relation patient – infirmière : les infirmières connaissent parfaitement leur clientèle et ses besoins. La relation patient – professionnel est une valeur cardinale de l’organisation de Buurtzorg. La pierre angulaire du concept.
- 4 Responsabilisation du client : l’objectif de Buurtzorg est de soigner le client pour lui rendre son autonomie le plus rapidement possible (ce qui permet la fameuse économie de 3000 euros évoquée plus haut).
- 5 Facturation simplifiée : Rompant avec un mode de facturation complexe selon la nature des actes, la compétence de l’intervenant et la durée du soin, Buurtzorg propose à ses partenaires (assurances, gouvernement) un tarif unique correspondant à une visite à domicile, quelle que soit sa durée, la nature et le nombre des actes prodigués au patient par l’infirmière.
- 6 Equilibre financier : Buurtzorg est non seulement autonome et équilibré financièrement mais le mode d’organisation permet à la Sécurité sociale Néerlandaise de sérieuses économies puisque les Buurtzog ont un taux d’utilisation des heures prescrites inférieur aux autres services du pays (de 35%, comme on l’a vu plus haut).
- 7 Management horizontal : l’objectif est de réduire au maximum la ligne manageriale. Il n’y a pas de services intermédiaires, ce qui permet de limiter la tarification au travail de terrain.
- 8 Faible turnover : en redonnant le pouvoir au terrain, Buurtzorg a créé les conditions d’un fort engagement de son personnel et d’un turnover quasi nul. Une fois qu’ils ont goûté à Buurtzorg, les infirmières et infirmiers n’ont pas du tout envie d’aller travailler ailleurs.
- 9. Intranet, échanges et incitation à la créativité : Buurtzorg fonctionne en mode start-up en incitant son personnel à expérimenter, partager à la communauté et faire progresser toute l’entreprise.
Buurtzorg en quatre chiffres
- 70% du marché des soins à domicile aux Pays Bas,
- 7500 infirmiers,
- 35 employés administratifs et 15 coach,
- 60 000 patients.
Expansion internationale du modèle Buurtzorg
Le modèle a fait des petits dans plusieurs pays Européens, y compris en France ou, malgré une réglementation peu adaptée, quelques entrepreneurs tentent d’utiliser le modèle Buurtzorg dans les soins infirmiers (Soignons Humains) et les SAAD (Services d’Aide et d’Accompagnement à Domicile) (Alenvi) avec des résultats plutôt intéressants.